Leaders : le réflexe qui tue la performance globale
Dans les grandes organisations, un problème fondamental entrave la vitesse d'exécution et la création de valeur : la persistance des silos. Malgré les investissements en outils, en processus et en formation d'équipes, l'alignement stratégique et la fluidité des opérations restent fragiles.
La raison en est simple : le silo n'est pas un problème d'exécution, mais un problème de gouvernance. Il est, très souvent, le reflet direct d'un dysfonctionnement au sommet de l'encadrement.
En tant que leader, votre réflexe naturel est de protéger votre unité de travail pour maximiser sa productivité locale. Vous êtes évalué sur la performance de votre département, et vous agissez en conséquence. Cette posture, bien que légitime sur le plan personnel, est précisément celle qui crée des frictions, des goulots d'étranglement et des compromis sous-optimaux pour le reste de l'entreprise.
Cet article propose un changement de perspective fondamental, inspiré par les principes éprouvés de la dynamique d'équipe, notamment les travaux de Patrick Lencioni : votre priorité de leader n'est pas votre équipe opérationnelle, mais l'équipe composée de vos pairs.
Nous allons explorer pourquoi l'alignement et la collaboration sans faille entre les décideurs sont le véritable levier de la performance et comment vous devez, de manière pragmatique, protéger le système de valeur de l'entreprise avant de protéger votre cellule locale.
Le paradoxe des pyramides : où commencer l'amélioration ?
La transformation organisationnelle est souvent freinée par un dilemme : où doit commencer l'effort d'amélioration ? La réponse se trouve dans la confrontation de deux « pyramides » :
La pyramide de Lencioni : l'amélioration se construit par la base
Selon Patrick Lencioni, l'efficacité d'une équipe se construit comme une pyramide, de bas en haut. si la base est faible, tout s'écroule.
- confiance (base)
- peur du conflit
- manque d'engagement
- évitement de la responsabilité
- inattention aux résultats (sommet)
Pour une équipe opérationnelle, l'amélioration commence par la confiance mutuelle. Mais pour l'organisation entière, le sens de l'action est inversé…
La pyramide hiérarchique : la performance est dictée par le sommet
Dans l'organisation, l'influence et l'alignement stratégique voyagent de haut en bas. Si le sommet (votre niveau, le collège de leaders) n'est pas aligné sur les objectifs et la vision, cette incohérence se répercute en cascade sur les équipes opérationnelles.
Le constat est implacable : le travail sur la confiance et le conflit sain (la base de Lencioni) doit d'abord être accompli au sommet de l'organisation (votre équipe de pairs) pour débloquer le flux de valeur pour tous les autres.
Le dysfonctionnement suprême : l'inattention aux résultats collectifs
Votre rôle en tant que leader est de faire de votre équipe de pairs une « première équipe » fonctionnelle. c'est cette équipe qui est responsable du résultat ultime : la performance de l'entreprise et la livraison de valeur au client.
L'échec à considérer cette équipe comme prioritaire se manifeste par le dysfonctionnement le plus élevé de Lencioni : l'inattention aux résultats. Dans ce contexte, l'inattention aux résultats signifie que chaque leader se soucie du succès de son département plutôt que du succès du système entier.
Cette non-loyauté transverse crée un environnement où :
- Vous ne protégez pas le système en arbitrant les conflits de priorités ou de ressources avec vos pairs.
- Vous protégez votre silo en retenant vos meilleurs éléments ou en orientant les priorisations pour masquer les problèmes de votre unité, favoriser des résultats qui mettent en avant les vôtres, au détriment de l'intérêt général.
C'est le piège le plus coûteux d’une transformation d’organisation : des silos performants sur le papier qui provoquent l'échec à l'échelle.
Le nouveau mandat : protéger le système, pas la cellule
Changer le paradigme de « protéger mon équipe » à « protéger le système » est l'acte de leadership le plus puissant. Cela commence par une clarification de la posture du leader, à tous les niveaux de l'entreprise. Ici, retrouvez quelques exemples :
| Rôle du leader | De la loyauté locale... | ...À la loyauté transverse (Système) |
|---|---|---|
| Manager / Responsable d'unité | S'assurer que mon équipe est la meilleure. | Faciliter la mobilité des compétences là où l'entreprise en a le plus besoin. |
| Product Owner (PO) | Prioriser mon backlog pour faire briller mon produit. | Collaborer avec les autres PO pour garantir que la valeur maximale est livrée par l'entreprise, en gérant ensemble les dépendances. |
| Scrum Master (SM) | Isoler l'équipe des problèmes extérieurs pour garantir sa vélocité. | Faciliter le système en aidant la gouvernance et les autres Scrum Masters/RTE à résoudre les obstacles structuraux (anti-patterns) qui impactent toutes les équipes. |
Cette posture requiert non seulement du courage, mais une structure de collaboration formelle. Elle exige de vous de devenir le catalyseur de la coalition de transformation (selon le modèle des 8 étapes de kotter) avec vos pairs, pour définir une vision et une stratégie partagées. (pour en savoir plus sur la constitution de cette équipe au sommet : une coalition pour les guider tous)
Conclusion
Le vrai leadership n'est pas de diriger une seule équipe vers le succès, mais de diriger le système tout entier vers la création de valeur maximale pour le client.
le chemin pour briser les silos passe par une seule et même décision : reconnaître que la cohésion, la confiance et la loyauté envers votre équipe de pairs sont, de loin, la priorité qui garantira la performance et la pérennité de votre organisation.
Le vrai leader ne protège pas son équipe opérationnelle, il protège le système.






